NOTES TECHNIQUES

Numéro 4 – janvier 2025

Le bulletin Notes techniques est produit par le comité technique de l’ACCTA afin de fournir aux membres de l’ACCTA de l’information sur la technologie actuelle et future de NAV CANADA.


Usurpation et brouillage des systèmes GNSS en aviation : une menace bien réelle

L’usurpation GNSS et le brouillage GNSS perturbent les signaux GNSS (système mondial de navigation par satellite) essentiels à la navigation, à la synchronisation et aux communications des aéronefs. Ils constituent l’un et l’autre de graves menaces pour la sécurité aérienne et le contrôle de la circulation aérienne, car les avions modernes et les systèmes ATC dépendent fortement des GNSS pour maintenir un positionnement précis et assurer une conscience de la situation. Bien qu’ils diffèrent dans leur approche (l’usurpation trompe par la transmission de faux signaux, tandis que le brouillage bloque les signaux légitimes), ils créent tous deux des risques qui peuvent compromettre la sécurité des vols, tout particulièrement pendant les phases critiques comme l’approche, l’atterrissage ou la navigation dans l’espace aérien encombré.


Usurpation GNSS

Il y a usurpation lorsque de faux signaux GNSS sont transmis pour inciter un récepteur à calculer des données incorrectes sur la position, la vitesse ou la synchronisation précises. Ce type d’attaque peut induire les systèmes de l’avion en erreur en leur indiquant qu’ils se trouvent à un endroit différent ou qu’ils suivent une trajectoire incorrecte, une erreur qui peut passer inaperçue jusqu’à ce que de graves écarts aient lieu.

Effets sur les systèmes de l’aéronef

  1. Tromperie sur le plan de la navigation
    • Les signaux GNSS usurpés peuvent induire le pilote automatique ou le système de gestion de vol (FMS) en erreur en fournissant des données de position incorrectes. Ces données pourraient faire dévier l’avion de sa trajectoire prévue sans détection immédiate, ce qui mènerait à des violations de l’espace aérien ou à une trajectoire frôlant des zones à statut spécial réglementé. Dans un espace aérien encombré, cette déviation pourrait également augmenter le risque de conflits aériens.
  2. Erreurs d’atterrissage aux instruments
    • L’usurpation pendant l’approche peut perturber la précision des atterrissages aux instruments (p. ex. performance d’alignement de piste avec guidage vertical, ou LPV), ce qui pourrait amener l’équipage à croire que l’avion est aligné sur la piste alors qu’il est en fait hors trajectoire, augmentant du coup le risque d’approches interrompues, de remises des gaz ou d’incursions sur piste.
  3. Perte de conscience de la situation
    • L’usurpation peut faire en sorte que l’équipage perde la conscience de la situation, surtout si les données inexactes semblent correspondre aux valeurs attendues. Si les données inexactes passent inaperçues, ce désalignement peut retarder les mesures correctives et entraîner des situations dangereuses, en particulier près d’un relief accidenté ou dans un espace aérien à statut spécial réglementé.
  4. Perturbations de la communication et de la synchronisation
    • L’usurpation GNSS peut avoir des conséquences sur les communications aériennes, car de nombreux systèmes utilisent les systèmes GNSS pour la synchronisation temporelle, une fonction essentielle au maintien de liaisons de communication sécurisées entre l’avion et l’ATC. Les données de synchronisation usurpées peuvent créer des écarts qui pourraient interrompre les communications, réduisant ainsi la conscience de la situation à la fois pour les pilotes et les contrôleurs aériens (ATC).

Effets sur le contrôle de la circulation aérienne

  1. Réduction de la précision de surveillance
    • Les systèmes ATC, tout particulièrement ceux qui reposent sur la surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B), dépendent de données GNSS précises pour suivre la position des avions. Les données usurpées peuvent créer des rapports de position inexacts, ce qui réduit la fiabilité des données de surveillance et fait qu’il soit difficile pour l’ATC de gérer efficacement les aéronefs dans l’espace aérien touché.
  2. Augmentation de la charge de travail
    • Des données GNSS trompeuses peuvent créer des incohérences que le personnel ATC doit résoudre manuellement, ce qui augmente sa charge de travail. Le fait d’avoir à vérifier les données radar, à demander des confirmations des pilotes ou à réacheminer les aéronefs vers des altitudes ou des voies aériennes plus sécuritaires pourrait mettre à rude épreuve les ressources d’ATC, ce qui aurait une incidence sur la sécurité dans l’espace aérien.

Brouillage GNSS

Contrairement à l’usurpation, le brouillage bloque ou surcharge les signaux GNSS légitimes, empêchant le récepteur d’accéder en temps réel aux données de position, de vitesse ou de synchronisation. En situation de brouillage, les systèmes de l’avion perdent immédiatement les données GNSS, alertant l’équipage du problème. Néanmoins, la perte soudaine de signaux GNSS crée des difficultés à la fois pour l’avion et pour l’ATC.

Effets sur les systèmes de l’aéronef

  1. Perte de précision de navigation
    • Lorsque les signaux GNSS sont brouillés, les aéronefs ne peuvent pas se fier à la navigation GNSS; le pilote automatique et le FMS doivent donc revenir à des systèmes de secours tels que les systèmes de navigation par inertie (INS) ou les aides à la navigation au sol (p. ex. VOR et DME). Bien que l’INS fournisse un positionnement de base, ce système tend à dériver avec le temps, ce qui en réduit la précision et augmente la probabilité de déviations de trajectoire.
  2. Perturbations de la navigation fondée sur les performances
    • De nombreuses trajectoires de vol modernes reposent sur la navigation fondée sur les performances (PBN) utilisant le GNSS à des fins de précision. En situation de brouillage, il est impossible de se fier aux trajectoires PBN, y compris les procédures d’approche et de départ, obligeant ainsi les pilotes à se fier à des méthodes de navigation moins précises. Cette limitation est particulièrement critique pendant les approches aux instruments, où la précision est essentielle pour opérer des atterrissages en toute sécurité.
  3. Augmentation de la charge de travail des pilotes
    • Le brouillage GNSS peut forcer le pilote automatique à se désengager, ce qui augmente la charge de travail du pilote, en particulier dans les environnements encombrés ou à faible visibilité. Le retour manuel à d’autres sources de navigation exige que les pilotes s’adaptent rapidement, ce qui augmente le risque d’erreur humaine dans des situations de stress élevé.
  1. ADS-B et interruptions de surveillance
    • L’ADS-B s’appuie sur le GNSS pour les données de positionnement des aéronefs, diffusant ces données à l’ATC et à d’autres aéronefs afin d’éviter les collisions. Pendant le brouillage GNSS, les données ADS-B sont soit inexactes, soit complètement inaccessibles, ce qui réduit la capacité de l’ATC à suivre l’avion avec précision et augmente le risque de collision, surtout dans les zones à circulation élevée.

Effets sur le contrôle de la circulation aérienne

  1. Perte de données de position précises
    • En présence de brouillage GNSS, l’ATC perd des données ADS-B précises, ce qui complique la surveillance de la position, de la vitesse et de l’altitude des avions. Dans les zones non radar, où l’ATC se fie fortement à l’ADS-B, cette perturbation peut se traduire par d’importants angles morts de couverture, limitant la capacité de l’ATC à assurer un espacement sûr entre les avions.
  2. Exigences accrues en matière d’espacement entre avions
    • Pour compenser la précision réduite de la surveillance, l’ATC pourrait avoir à augmenter l’espacement entre les avions, ce qui peut réduire l’efficacité de l’espace aérien et multiplier les retards. En présence de normes d’espacement accru, il y a réduction de la capacité dans l’espace aérien encombré, ce qui a une incidence sur le flux global de la circulation aérienne et pourrait retarder d’autres vols.
  3. Coordination avec les pilotes
    • En situation de brouillage, l’ATC pourrait devoir travailler en étroite collaboration avec les pilotes pour confirmer les positions, vérifier les altitudes ou modifier la trajectoire de l’aéronef en utilisant uniquement le radar ou la communication vocale. Cette coordination supplémentaire augmente la charge de travail des contrôleurs et des pilotes, ce qui peut mettre à rude épreuve les ressources d’ATC pendant les heures de pointe et causer des problèmes de communication.

Mesures d’atténuation

Pour lutter contre l’usurpation GNSS dans le contrôle de la circulation aérienne, il faut adopter diverses stratégies pour améliorer l’intégrité et la sécurité des systèmes de navigation. Voici quelques mesures efficaces :

  1. Systèmes de navigation multi-sources : Utiliser une combinaison de systèmes de navigation, tels que les systèmes de navigation par inertie (INS), le radar, les aides à la navigation au sol (NAVAIDS) traditionnelles et diverses constellations GNSS.
  2. Authentification des signaux : Mettre en œuvre des techniques d’authentification des signaux pour vérifier la légitimité des signaux GNSS. Cela peut inclure l’utilisation de méthodes cryptographiques pour veiller à ce que les signaux n’aient pas été altérés.
  3. Surveillance et détection d’anomalies : Mettre en place des systèmes de surveillance pouvant détecter les anomalies dans les signaux GNSS, comme les changements soudains de position qui ne correspondent pas aux trajectoires de vol prévues.
  4. Formation et sensibilisation : Fournir une formation aux contrôleurs aériens et aux pilotes sur la reconnaissance des événements potentiels d’usurpation et les interventions adéquates à prendre en cas d’incident.
  5. Vérifications et évaluations périodiques : Mener des évaluations périodiques des systèmes GNSS et des mesures de sécurité connexes de façon à cerner les vulnérabilités et à améliorer les contre-mesures.
  6. Utilisation des technologies GNSS améliorées : Explorer les technologies GNSS sophistiquées telles que le GPS différentiel (DGPS) ou les systèmes de renforcement satellitaire (SBAS), qui peuvent fournir des données de positionnement plus précises et plus fiables.
  7. Échange collaboratif des données : Favoriser la collaboration avec d’autres autorités et organismes du secteur de l’aviation en vue d’échanger des données sur les menaces et les contre-mesures efficaces contre l’usurpation.
  8. Mise en œuvre du géorepérage : Utiliser des techniques de géorepérage pour restreindre les opérations des avions dans certaines zones, de sorte à garantir que, si un avion s’écarte de sa trajectoire autorisée, il puisse déclencher des alertes.
  9. Procédures d’urgence : Élaborer et diffuser des procédures d’urgence claires que les pilotes et les contrôleurs aériens doivent suivre s’ils soupçonnent une usurpation GNSS.
  10. Mesures réglementaires : Préconiser des cadres réglementaires qui obligent les systèmes aéronautiques à adopter des technologies et des pratiques robustes de lutte contre l’usurpation.

En combinant ces stratégies, le Canada peut améliorer sa résilience contre l’usurpation GNSS et assurer des opérations de circulation aérienne plus sécuritaires.


Les deux formes d’interférence posent de graves problèmes de sécurité pour l’aviation, soulignant la nécessité de mesures de détection rigoureuses, de systèmes de navigation de rechange et d’une coordination efficace du contrôle de la circulation aérienne (ATC) pour atténuer ces menaces.

Des efforts sont en cours pour élargir et améliorer la navigation au sol partout au Canada. Transports Canada a par ailleurs publié une Alerte à la Sécurité de l’Aviation civile (ASAC 2024-10), offrant des conseils aux exploitants d’aéronefs sur l’utilisation des aides à la navigation traditionnelles et les procédures d’approche et d’arrivée conventionnelles. Les membres de l’ACCTA doivent également être prêts à envisager la possibilité que les aéronefs aient à utiliser ces outils et procédures traditionnels, même de manière inattendue.


Prochain bulletin : mai 2025


Si vous avez des questions ou si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements sur les rôles entourant la technologie des ATS ou de l’ACCTA, veuillez communiquer avec un membre du Comité technique de l’ACCTA ou envoyer un courriel à techcommittee@catca.ca.

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La technologie est un serviteur utile mais un maître dangereux. ~ Christian Lous Lange

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